On ferme pour l’Aïd. Bien sûr. Sinon, comment se vivrait la fête ? Car celle-ci est assimilée à l’inactivité, à la paralysie des services et même des loisirs. La vie est, chez nous, bouclée à double tour à l’occasion d’événements censés être festifs et au cours desquels on se serait attendu à une explosion de joie, de couleurs et de senteurs ; à un foisonnement d’offres dans tous les domaines car les fêtes présentent des opportunités privilégiées pour dynamiser le commerce.
La fermeture est devenue une option de choix pour masquer les échecs. Car l’absence de volonté d’entreprendre, l’absence de créativité et d’esprit d’initiative est l’une des formes les plus marquantes de l’échec. Telle ministre récemment révoquée pour son incompétence notoire ne s’est-elle pas distinguée par sa propension à fermer tout ce qui lui paraissait problématique ? «Fermeture» d’une édition des Journées cinématographiques de Carthage, «fermeture» du Festival de la chanson, et de celle de la Foire du livre ?
Il faut dire à la décharge de l’ex-ministre que son comportement n’est que le reflet d’une pratique qui lui est bien antérieure et qui a consacré l’incapacité (intellectuelle ?) de bien des responsables à faire face à des problèmes résolus ailleurs de manière bien plus intelligente et bien moins préjudiciable à la vie économique et sociale. Nous parlons de la suppression des terrasses des bars et restaurants qui font le charme des cités méditerranéennes et qui constituent une attraction touristique majeure de nos villes, ainsi que la fermeture de ces établissements certains jours et après certaines heures. Nous parlons aussi de la fermeture prolongée de périmètres urbains entiers comme celui entourant le ministère de l’Intérieur et qui a englobé, avant la récente «rectification», une grande partie de l’emblématique avenue Bourguiba, à Tunis. Nous parlons de la mythique place de la Kasbah, toujours à Tunis. Entre autres.
Une association a dû retirer de son programme de visite un musée et un certain nombre de sites et de monuments… pour cause de fermeture
Nous parlons de préjudices. Devant organiser au profit de ses adhérents un séjour de découverte du patrimoine matériel et non matériel (puisque c’est comme ça qu’on dit) de la ville et du gouvernorat du Kef, une association a dû retirer de son circuit le musée des arts traditionnels et un certain nombre de sites et de monuments…pour cause de fermeture. Après l’effondrement du pan de remparts de Kairouan l’an dernier, au lieu d’engager des travaux de restauration là où c’était nécessaire, la ministre a opté pour la solution de facilité au détriment de la dynamique culturelle et économique locale. Ce qui provoque une profonde amertume en milieux culturels et touristiques de la ville qui déplorent cette décision calamiteuse. Une figure marquante de la ville, usant de l’humour acide propre à ceux qui «n’en peuvent mais», suggère aux autorités de fermer toute la ville pour libérer la population des incertitudes du lendemain et fermer sa gueule…